La réforme de la LPP est néfaste et biaisée
Thème: Actualité, Politique sociale
Walter Langenegger, membre de la FARES VASOS explique ci-dessous les raisons qui plaident pour un rejet de la réforme
Le 22 septembre, le peuple suisse votera sur la réforme controversée de la LPP
En fait, la révision de la LPP n’aurait jamais dû être soumise au vote du peuple sous cette forme. Premièrement, elle est obsolète, car les caisses de pension sont en bonne santé depuis la fin de la phase des taux d’intérêt bas et que des assainissements généralisés sont inutiles. Deuxièmement, elle constitue une réduction pure et simple des rentes après que le Parlement a rejeté le compromis bien équilibré entre les partenaires sociaux. En fin de compte, il y a trop de perdants, dont surtout la classe moyenne.
Non, il n’est pas vrai que cette réforme a été lancée avant tout en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et dans le but d’améliorer la situation des femmes et des bas salaires. Ce n’est qu’une diversion. La raison principale était plutôt qu’avec la crise financière de 2008, les taux d’intérêt ont fortement baissé et que de nombreuses caisses de pension ont eu des difficultés à générer des rendements suffisants, surtout durant la phase exceptionnellement longue de taux d’intérêt négatifs unique dans l’histoire à partir de 2014.
Les caisses de pension en bonne santé
Mais le fait est qu’aujourd’hui, la situation est bien différente. L’époque des taux d’intérêt négatifs est révolue et, deux ans après le tournant de taux, la plupart des caisses de pension sont à nouveau en excellente forme. Avec un capital total de 1 300 milliards de francs et des réserves bien remplies, elles sont bien équipées pour relever les défis à venir. Ce ne sont pas les opposants au projet qui le disent ; c’est la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP).
La CHS PP le prouve par des chiffres : 93 pour cent des institutions de prévoyance affichent un taux de couverture d’au moins 100 pour cent. En moyenne, ce taux est même de 113 pour cent. Le financement croisé des jeunes vers les vieux, si souvent critiqué, n’a plus lieu ; depuis 2020, il va même dans l’autre sens, des vieux vers les jeunes. Aujourd’hui, les assurés actifs profitent des excédents générés par le capital des plus de 50 ans – rien qu’en 2023, 300 millions ont été redistribués des anciens vers les jeunes, et la tendance est à la hausse.
Taux de conversion déjà indirectement réduit
Cela montre clairement que le taux de conversion de 6,8 pour cent dans l’obligatoire, qui détermine le montant des rentes, peut toujours être financé sans problème. C’est d’autant plus vrai que de nombreuses institutions de prévoyance l’ont déjà indirectement abaissé. En effet, depuis la crise financière, la plupart des caisses de pension ont procédé à des assainissements et réduit le taux de conversion dans le régime surobligatoire plus qu’il n’était nécessaire. Ainsi, il n’est plus que de 5,3 % en moyenne pour les rentes masculines. Les caisses ont ainsi anticipé la baisse du taux de conversion dans le régime obligatoire. Le réduire maintenant de 0,8 pour cent comme demandé revient de facto à le réduire une deuxième fois au détriment des assurés.
Aucun amortissement social
C’est d’autant plus choquant que la présente réforme est désormais un pur exercice de démantèlement des rentes. Le compromis initial des partenaires sociaux, repris par le Conseil fédéral, prévoyait encore de compenser les réductions de rentes par un supplément de 0,5 pour cent financé solidairement sur tous les salaires jusqu’à 850’000 francs – une solution équitable qui n’aurait guère fait de perdants. Mais le Parlement bourgeois – induit en erreur par le lobby financier – a cru mieux faire, a rejeté le compromis et donc une compensation socialement juste.
Réduction de plus de deux milliards
En conséquence, les 4,5 millions d’employés seront contraints d’économiser plus de deux milliards de francs par an en réduisant leurs salaires et leurs rentes et en les transférant dans les réserves déjà pleines des caisses de pension. Ce sont surtout les personnes de plus de 45 ans avec des salaires moyens à partir de 65 000 francs qui en feront les frais. Ils doivent s’attendre à des cotisations plus élevées, des rentes plus faibles ou les deux. Dans le pire des cas, selon l’Union syndicale suisse (USS), les déductions mensuelles augmenteront jusqu’à 200 francs et les rentes diminueront jusqu’à 270 francs.
Les suppléments de rente pour les quinze générations de nouvaux retraités n’y changent pas grand-chose. Ceux-ci sont faibles et ne sont destinés qu’aux rentes très basses. Seul un quart des assurés avec un petit capital de retraite de 220’000 francs au maximum reçoit le supplément complet de 200 francs par mois. Un autre quart, avec un capital d’épargne de 440 000 francs maximum, ne reçoit qu’un supplément partiel, dans le pire des cas quelques francs seulement. Tous les autres ne reçoivent rien.
Amélioration insuffisante
Parallèlement, les améliorations pour les femmes, les bas salaires, les travailleurs à temps partiel et les personnes ayant interrompu leur carrière sont minimes. Certes, selon le Conseil fédéral, environ 70’000 personnes auront désormais accès à la LPP obligatoire et 30’000 autres verront leur rente légèrement augmenter. Mais il y a un problème : de nombreuses personnes travaillant dans le secteur des bas salaires gagnent si peu que, malgré la nouvelle rente LPP, elles continueront à avoir besoin de prestations complémentaires à la retraite. Cela signifie qu’elles paieront à l’avenir plus de cotisations salariales, mais qu’elles n’auront pas plus d’argent qu’aujourd’hui à la retraite.
Perte progressive du pouvoir d’achat
A cela s’ajoute le fait que la révision ne s’attaque pas à deux graves erreurs de construction : l’absence de compensation obligatoire du renchérissement et les frais de gestion de fortune beaucoup trop élevés. Selon l’USS, seuls 14% des caisses ont jusqu’à présent compensé l’inflation. Les retraités subissent donc depuis des années des pertes de pouvoir d’achat. Quant à la gestion de fortune, elle engloutit 8,2 milliards par an. Ces coûts augmenteront encore si la révision permet d’accumuler encore plus de réserves. La seule gagnante : la branche financière.
Retour à l’expéditeur
En fin de compte, il est clair que cette réforme est mal conçue et qu’elle cause plus de dégâts que de bénéfices. Elle n’apporte qu’une amélioration insuffisante pour les bas salaires, surcharge sans nécessité surtout sur les assurés aux salaires normaux de la classe moyenne et ne fait rien contre la perte du pouvoir d’achat des retraités et l’enrichissement du secteur financier. C’est pourquoi cette réforme doit être renvoyée à son expéditeur !
Walter Langenegger est retraité, habite en ville de Berne, est marié et père de deux enfants adultes. Il est membre actif de la FARES et vice-président de la SSR Berne Fribourg Valais. De 2007 à 2022, il a été chef de la communication de la ville de Berne. Auparavant, il a travaillé pendant plus de vingt ans en tant que journaliste, notamment de 1993 à 2007 en tant que responsable de la rédaction nationale du St.Galler Tagblatt, où il s’est concentré sur les questions sociales, économiques, financières et fiscales.